Rita Amabili-Rivet, auteure

février 2005

Madame Rita Amabili-Rivet, auteure canadienne d’origine italienne, s’occupe des problèmes sociaux soit à travers son travail pour soutenir les enfants en difficulté soit à travers son oeuvre d’écrivaine qu’elle met au service de son engagement social.

Rita Amabili mariée Rivet: prénom et nom d'origine italienne. Donc votre père est italien.

Oui, mon père a immigré au Canada, venant de la région de Marche dans les années 1925. Il est né à San Benedetto del Tronto et a passé une partie de son enfance à Offida. Ma mère était une canadienne francophone et le mélange de ces deux cultures a formé notre famille.

Dans votre production littéraire, la culture (au sens large) italienne occupe-t-elle une place importante?

Parce que je suis issue de la rencontre de deux cultures, je me suis toujours sentie enrichie par ce côté de moi que je porte comme une fierté. Je pense que tout ce que je fais (particulièrement mon oeuvre) et tout ce que je suis est éclairé tant par la culture québécoise ou canadienne que par la culture italienne.

Un roman historique qui traite de l'immigration italienne au Canada au début du XXe siècle vient de paraître, n’est-ce pas?

Oui, en octobre 2004, j'ai publié un roman historique. Guido, le roman d'un immigrant, Éditions Hurtubise HMH, raconte la vie de mon père et de centaines d'Italiens qui, comme lui, ont immigré par bateau en partant de Naples et en arrivant à Halifax au Canada.

J'ai fait dix années de recherches au Canada, en Italie et sur le Web. J'ai profité de nombreux témoignages de personnes qui avaient été touchées par l'immigration d'une façon ou d'une autre. Mon livre se veut une mémoire du courage de ces hommes et ces femmes qui se déracinaient dans l'espoir d'une vie meilleure pour leurs descendants. Je savais par mon père et mes tantes que l'immigration était difficile mais mes recherches m'ont fait découvrir des héros dont les noms resteront inconnus mais dont la vie est exemplaire encore aujourd'hui pour nous.

Le thème de l'amour et de la famille sont des motifs qui reviennent dans votre production. Avez-vous choisi ces thèmes parce que dans notre société il y a un fort manque de règles et de valeurs? Je parle de la société en général, mais je dois dire qu'en Italie il existe l'éthique de l'absence de scrupules, du "tout et tout de suite". J'entends qu'on ne connaît plus le sens de l'engagement pour arriver à des objectifs. Rita, dans vos oeuvres, trouve-t-on une attitude pessimiste ou optimiste?

Mon oeuvre entière est optimiste. J'ai choisi d'écrire pour dénoncer doucement, sans juger, ni moraliser. Dénoncer les injustices, la souffrance et le mal de vivre; dénoncer le chacun pour soi et les tristesses qui s'y attachent. Je pense que notre société souffre. La vie va vite et les gens n'ont pas le temps de s'arrêter et de réfléchir à leurs besoins profonds. Ils les remplacent par de faux besoins. Quand ils sont obligés de regarder à l'intérieur d'eux-mêmes à cause d'un événement dans leur vie ou dans leur entourage, les vraies valeurs reviennent comme un ressac de la mer. L'être humain ne peux y échapper.

J'ai souvent fait des lectures de mes poésies ou joué de mes pièces et entendu les gens me dire que cela les avait "remis en marche" au niveau de la réflexion individuelle.

Quel est votre univers d'écriture? Nous avons parlé des thèmes de l'immigration, de l'amour et de la famille. Y a-t-il quelque chose d'autre?

Vous l’avez trouvé Gloria! L’univers de toute mon œuvre tourne autour de l’amour, et de la solidarité.

Avez-vous des sources d'inspiration particulières?

Spontanément, je vous répondrais les enfants et la solidarité universelle.

Qu'est-ce que c’est un écrivain, d'après vous?

Quelqu’un qui joue avec les mots ou quelqu’un dont le cœur déborde sur une feuille de papier ou encore plus simplement quelqu’un qui aime se raconter des histoires…

Qu'est-ce qui vous motive à écrire?

En lisant votre question, mon cœur de poète se met en branle. Bien sûr, je dois écrire, quelque chose à l’intérieur me pousse à le faire mais il y a les longues heures de recherches, de ratures, de reprises; il y a l’éditeur qui n’aime pas et demande un changement ou refuse catégoriquement; il y a la peur de la page blanche ou la peur de la critique…

Ce qui me pousse vraiment à écrire, à continuer mon rêve de dénoncer les injustices, de dire les enfants qui souffrent ou de parler d’espérance, c’est l’amour de ma vie et nos trois grands! Quand le moral me tombe parce que mon ciel d’auteure n’est pas tout bleu, il pousse ou ils poussent!

Vous avez eu des expériences en tant que scénariste, n’est-ce pas?

J’ai pris des cours sur les scénarisassions et un peu tout ce qui touche les émissions de télévision. J’ai travaillé avec un cinéaste plusieurs mois. Malheureusement, je n’ai pas autant d’expérience sur le terrain que je désirerais.

Vous écrivez soit de poèmes, soit de romans soit de contes. Vous considérez-vous poète ou plutôt narratrice?

J’ai aussi fait du théâtre et de la mise en scène. J’aime bien dire que je suis auteure (même si en français, ce terme n’existe pas, je trouve qu’il me représente plus qu’auteur!) puisqu’à mes yeux, ceci fait référence à tous les styles d’écriture.

A part l'écriture, quel art préférez-vous?

La peinture. J’ai fait de la peinture à l’huile durant plusieurs années.

Racontez-moi une chose que vous pensez avoir réalisée dans une façon très satisfaisante.

Mon roman historique Guido, le roman d'un immigrant. C’était une grande entreprise. J’avais fait la pièce de théâtre mais le roman m’obligeait à entrer profondément dans la vie de mon père et je n’étais pas tout à fait remise de sa mort… De plus, les documents venant des années précédant 1950 sont plus difficiles à trouver. Les témoignages remuaient des souvenirs difficiles pour chacun de mes témoins.

Quand je suis parvenue à terminer mon manuscrit, il a fallu trouver un éditeur qui apprécie mon travail. Plusieurs d’entre eux, ne connaissant pas la grandeur du mouvement migratoire au Canada, se sont persuadés que mon histoire n’était que familiale et ne pourrait intéresser les lecteurs. Pourtant l’immigration italienne au Canada a touché plusieurs générations de Canadiens.

J’avais la certitude que cette histoire devait être écrite avant que tous les protagonistes (les personnes de la génération de mon père) ne soient morts. J’avais peur que cette histoire vu du Québec ne soit irrémédiablement perdue…

Un rêve dans le tiroir.

Je vous répondrai par deux rêves.

Le premier, aider les enfants de pays en voie de développement par le biais de mon œuvre.

Le second, présenter Guido, le roman d'un immigrant version originale et traduction italienne dans votre merveilleux pays.