Brève histoire de la littérature Québécoise

La culture francophone du Québec, diffère de l’ensemble de la culture canadienne par son parcours unique et son éventail actuel d’origines et donc de richesses.

La culture canadienne créée après la Conquête (Conquête qui marque le début de la présence anglaise au Québec) est principalement orale. Ce patrimoine, transmis des parents aux enfants depuis des origines inconnues, se fait l’expression d’un peuple fier et bon vivant. De cette base riche et vraie, émergeront au XIXe siècle, les premiers vrais écrivains. Ces derniers transmettront fidèlement par écrit ce qui c’était véhiculé de bouche à oreille durant de longues années.

Au tournant du XIXe siècle, l’Église canadienne acquiert une grande influence sur l’ensemble de la société du Québec tandis qu’un colossal souffle démocratique en balaie une grande partie. Cet état de faits donne naissance au romantisme: l’expression personnelle des sentiments est à son apogée. Ce lyrisme se marie bien avec une imagination mélancolique. Il en découle une œuvre générale humanisante donnant une force sociale aux créations littéraires de poètes qui s’engagent sur la scène politique.

La Confédération canadienne née en 1867, trouve un Québec essentiellement rural. Une population majoritairement catholique et à 75% francophone verra sa croissance économique la mener vers l’urbanisation. Cependant, l’Église jouissant d’un pouvoir politique et social encouragera la nation à demeurer fidèle aux valeurs traditionnelles de famille, religion et terre puisque pour elle, l’agriculture constitue une protection contre les crises financières. Mais le mouvement de l’urbanisation est déjà commencé et au début du XXe siècle, l’agriculture ne sera plus la principale occupation de la population du Québec.

La littérature se met donc au service du patriotisme tandis que les bouleversements économiques et sociaux ne freinent aucunement l’avancée de la société industrielle et de l’urbanisation. Les écrivains[1] débutent une œuvre démontrant l’attachement au sol québécois et aux valeurs ancestrales liées à celles de la foi et à l’amour de la langue française. Une autre partie des gens de lettre[2] du Québec choisissent comme thèmes de leur œuvre l’universalisme et la valorisation de l’art pour lui-même.

À compter de 1860, les industries de pâtes et papiers et l’énergie hydro-électrique connaissent une croissance importante. La ville de Montréal est responsable de la moitié de la production économique de la province notamment à cause des industries de la chaussure, du vêtement, du bois, du tabac et du papier. Après la Première Guerre mondiale, le Québec connaît une phase de croissance économique. L’exportation sur le marché américain augmente mais les travailleurs des villes connaissent des conditions de vie précaire.

Émile Nelligan (1879-1941), jeune poète de Montréal, pousse la poésie à l’originalité par la nouveauté de ses images. Premier poète moderne, il connaîtra malheureusement les affres de la maladie mentale; ses douleurs morales extrêmes et ses émotions démontreront la grandeur de ses aspirations. Il sera de la génération des poètes[3] choisissant de dire leur univers intérieur quitte à être marginalisés. Ce sacrifice de plusieurs permettra à notre littérature d’ouvrir sur la modernité.

Nous ne pouvons parler de poésie québécoise sans citer un extrait de ce poète représentant un peuple à la recherche d’un mieux être en même temps que la manifestation extérieure d’un mal être intérieur.

LE VAISSEAU D’OR (extrait)

Ce fut un grand Vaisseau taillé dans l'or massif:
Ses mâts touchaient l'azur, sur des mers inconnues;
La Cyprine d'amour, cheveux épars, chairs nues,
S'étalait à sa proue, au soleil excessif.

Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l'Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.

Maurice Duplessis, premier ministre du Québec de 1936 à 1939 est tellement anti-communiste et anti-syndical qu’il fait voter une loi qui a comme but d’empêcher toute propagande communiste. Il en découle malheureusement une censure de la liberté d’expression dans toute la province. Heureusement, lorsque son parti, l’Union nationale, est battu, le parti libéral le remplace. Il accordera le droit de vote aux femmes, le droit des travailleurs de se syndicaliser en même temps qu’il rendra obligatoire l’instruction des six à quatorze ans.

Dans ce contexte, une renaissance culturelle s'enchaîne: de nombreuses revues appellent au changement, des maisons d’édition sont fondées et enfin l’arrivée de la télévision ouvre la population à un monde inconnu jusqu’alors. Pour souligner le tout, des artistes[4] dénoncent toutes les censures.

Dans ce monde plus moderne, où il n’y avait eu que la poésie[5] pour remettre la situation du Québec en question, le roman, le théâtre et l’essai[6] font leur entrée. L’analyse de la réalité sociale, le mal de vivre, la solitude ou la culpabilité deviennent des sujets analysés sous différents angles. Le personnage principal des œuvres ne reste plus objectif mais démontre des situations étudiées sous tous ses angles.

Sur le plan politique s’amorce un vent nationaliste. Le parti québécois accède au pouvoir en 1976, sous la direction de René Lévesque. Dans l’ébullition idéologique, des activités révolutionnaires auront lieu; on en parlera sous le vocable de la crise d’Octobre. L’État tente de procurer aux francophones un pouvoir économique et crée diverses sociétés pour le développement économique et l’exploitation des ressources naturelles. La passion se dégageant du goût généralisé pour le nationalisme colorera la culture de façon particulière. Comme on sent une menace pesant sur la langue française à cause de la dénatalité et d’une certaine assimilation, en 1974, un projet de loi proclame le français langue officielle du Québec. Les milieux des arts et de la culture profitent d’une lancée dont le sujet central est l’identité québécoise.

Le mouvement féministe et l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail donnent d’abord un vent de fraîcheur. L’écart entre les salaires des hommes et des femmes et les emplois peu spécialisés offerts aux secondes, rendent le combat des femmes chaque jour plus actuel. Il transparaît dans l’œuvres des certaines écrivaines[7]. Des oppositions multiples se disent très fort. Les courants littéraires se multiplient.

Lorsque chacun est rassuré sur son identité québécoise, nous sommes à l’aube de l’an 2000. L’économie prend une telle importance à la grandeur de la planète, que le salarié ne devient simplement que ce qu’il rapporte à la société. La technologie et la publicité procurent à la fois le confort et l’illusion d’un bonheur résidant dans le superflu. Il y a dissolution de toute vérité absolue, et relâchement général de la société au profit de l’ego.

Pour un temps, la poésie réunit l’émotion et la présence au monde dans un mélange d’idéalisme et d’intimité cherchant l’instant présent.

Finalement des auteurs issus de communautés diverses viennent enrichir un "dire" francophone et québécois. L’immigration et l’appartenance deviennent des sujets favorisés, côtoyant la confrontation des cultures et l’équilibre personnel. Il y a une mise au monde d’un nouvel imaginaire québécois[8]. Ce dernier repousse les frontières et s’ouvre à l’univers en tendant la main des hommes et des femmes du Québec, aux peuples du monde entier.



[1] Pierre-Georges Boucher de Boucherville (1814-1894): Avocat qui a défendu des accusés politiques, a été considéré comme le premier auteur québécois d’un récit fantastique"La Tour de Trafalgar", rappelant l’histoire d’un fait historique.

Le seul ouvrage psychologique de ce siècle et le premier roman d’amour-passion ont été rédigés par Félicité Angers (1845-1924) qui prend le pseudonyme de Laure Conan. Elle a été une auteure remarquable du XIXe siècle.

[2] Poète d’une grande sensibilité, Nérée Beauchemin (1850-1931), médecin, publie de la poésie dès le XIXe siècle.

Alfred Desrochers (1901-1978) a beaucoup puisé son inspiration dans le terroir québécois. Il a été renommé pour le réalisme de ses descriptions.

Conrad Kirouac devient le frère Marie-Victorin de la communauté des frères des Écoles chrétiennes. Fondateur du Jardin botanique de Montréal, il a le titre de docteur ès sciences de l’Université de Montréal et écrit entre autre un traité de botanique. Son style expressif dit bien la nature et la vie.

Paul Morin (1889-1963) poète cultivant le dépaysement et grand voyageur, il est souvent qualifié d’exotiste.

Jean-Aubert Loranger (1896-1942) Ses poèmes et ses récits sont caractérisés par un fort sentiment de liberté. À cause de sa vision réaliste de la nature humaine, on le rapproche de Maupassant.

[3] Jean-Aubert Loranger

Hector De Saint-Denys-Garneau (1912-1943): ce poète blessé dans son âme, trouve dans la poésie une issue pour ses rêves d’absolu et ses tentatives d’amadouer le réel.

Alain Granbois (1900-1975): Ses nombreux voyages rendent sa pensée universelle. Le drame des gens d’ici est présent ailleurs et de tout temps.

Rina Lasnier (1910-1997): Cette poète conjure la solitude existentielle  par une ouverture au religieux qui lui confère une grande sérénité.

Anne Hébert: Une grande auteure charismatique, Anne Hébert est représentative de son peuple et ouverte à "l’autre".

[4] Félix Leclerc (1914-1988): Écrivain qui incarne d’abord l’homme qui trouve son bonheur dans l’attachement à la terre. Il demeure extrêmement fidèle à ses origines québécoises.

Gilles Vigneault né en 1928: Ses chansons gardent précieusement l’esprit du Québec. Cet enracinement est pour lui, un gage de confiance dans le présent.

Claude Léveillé né en 1932: Musicien autant que poète, il chante l’amour et crée un quotidien merveilleux et nostalgique.

Claude Gauthier né en 1939: Il chante l’amour, la mer, les voyage et le nationalisme!

[5] Lucien Francoeur né en 1948: poète mêlant la poésie et la chanson pour dire simplement son errance.

Denis Vanier (1949-2000) Identifié à la contre-culture, il s’inspire de l’exaspération et de sa dynamique d’écorché.

[6] Marc Favreau né en 1929: Clown-poète, Sol mèle la naïveté, la poésie et le nouveau "mode" de parler. Il recrée tout simplement la langue française!

Fernand Ouellette né en 1930: est poète, romancier et essayiste. Il explore constamment les voies de réconciliation entre le temps, la passion, la vie et la mort.

Michel Garneau né en 1939: dramaturge et poète. Il raconte avec vie, ses rapports au quotidien.

Yves Beauchemin né en 1941: Il fut l’un des premiers "best-sellers" québécois. Publié en une quinzaine de langues, ses romans à résonance sociale sont adaptés au cinéma, à la télévision et connus mondialement.

Clémence Desrochers née en 1933: elle écrit des récits, des poèmes, des comédies musicales, des monologues et des chansons.

[7] Hélène Monette née en 1960: Sa vision excessivement lucide des rapports humains, mène le lecteur au bord de la désespérance. Par ses textes, elle invite continuellement à la remise en question.

Marie Laberge née en 1950: Son style simple et direct cerne facilement l’âme humaine. Les drames familiaux qu’elle invente trouvent leur écho dans ceux des lecteurs ou des spectateurs.

[8] Gérald Godin (1938-1994): Ce poète a été ministre responsable de l’immigration durant nombre d’années et a gardé un cœur ouvert à la cause immigrante.

Marco Micone né en 1945: né en Italie, il défend la culture québécoise qu’il trouve riche de toutes les autres… installées au Québec!

Antonio D’Alfonso né en 1953: il publie ses poésies en français, en italien et en anglais.

Anne-Marie Alonzo (1951-2005) Née en Égypte, handicapée par un accident dès l’âge de 14 ans, elle tire profit de "ses" marginalités par l’écriture.